Présentation de l’Institut Français de Chirurgie de la Main spécialisé dans les pathologies de l’épaule – IFCE
Qu’est qu’une luxation récidivante de l’épaule ?
L’épaule est une articulation située entre l’humérus et une cavité sur l’omoplate, appelée glène. La glène est entourée par un cartilage qui agrandit la surface de contact entre elle et l’humérus, ce cartilage s’appelle le bourrelet.
L’ensemble de l’articulation est entourée par une poche (la capsule) puis par les muscles de la coiffe des rotateurs. L’épaule pour des raisons anatomique est l’articulation du corps qui se luxe le plus facilement : l’emboîtement est très limité (25 à 35 % de contact entre les 2 os) et les ligament sont faibles et souvent détendus. Les luxations d’épaule concernent 1.7% de la population.
Une luxation correspond au “déboîtement“ de l’articulation (lorsque le déboîtement est partiel on parle de subluxation). Dans 95 % des cas la luxation se fait vers l’avant, on parle de luxation antéro-interne. Dans quelques cas celle ci se fait en arrière, notamment lors de crises d’épilepsie, et parfois chez les patients hyperlaxes dans plusieurs directions, on parle d’instabilité multidirectionnelle.
Nous n’évoquerons que les luxations antéro internes.
La première luxation survient lors d’un accident plutôt violent (sports, moto…), soit par choc direct vers l’avant soit par un mécanisme forcé du bras en abduction / rotation externe (position d’armé du bras) soit par une chute sur la main, corps en rotation. Une tierce personne doit alors réduire l’épaule par manœuvres externes.
La première luxation survient dans 77 % chez les hommes, entre 20 et 35 ans.
Lors de l’accident, en se déboîtant, la tête arrache le bourrelet vers l’avant et détache la capsule habituellement fixée sur l’os. Une fracture du bord antéro inférieur de la glène peut survenir. L’absence fréquente de cicatrisation de ces lésions favorise alors les récidives, on parle d’instabilité.
Plus la première luxation survient tôt, plus le risque de récidive est élevé. Par exemple lorsque la première luxation survient à 20 ans statistiquement le risque de récidive est de 50 %, après 40 ans les récidives sont rares. Les récidives surviennent essentiellement dans les 2 premières années après l’accident. Le traumatisme est de moins en moins important au fil des récidives avec même parfois luxation au cours du sommeil.
Quels sont les signes de cette instabilité de l’épaule ?
L’interrogatoire recherche et analyse les épisodes de luxations ou subluxations. L’instabilité ne correspond pas toujours à des luxations récidivantes mais parfois à des subluxations douloureuses, on parle alors d’“épaule instable et douloureuse“.
Dans tous les cas, l’examen du patient retrouve une forte appréhension lorsqu’on porte le bras en abduction / rotation externe, celui ci a l’impression que l’épaule va se déboîter. Si l’examinateur fait le même mouvement en faisant avec l’autre main un contre appui en avant de l’épaule, la sensation d’instabilité disparaît (test de recentrage positif).
On recherchera également des signes d’hyperlaxité au niveau des autres articulations et d’éventuelles complications : atteinte du nerf axillaire, lésions vasculaires, rupture de la coiffe des rotateurs (plus fréquente à partir de 40 ans et chez 80 % des patients après 60 ans).
Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?
- La radiographie est l’examen de base, en sachant que normale, elle n’élimine pas le diagnostic. On y voit souvent les traces des anciennes luxations : une fracture du bord antéro inférieur de la glène, un simple émoussement de celle ci, une encoche à la partie postérieure de la tête humérale signant son impaction lors d’une luxation (encoche de Malgaigne). De tels signes associés à un examen clinique évocateurs suffisent à porter le diagnostic. Une radio de l’épaule luxée lors d’un accident est très utile pour confirmer le diagnostic.
Si le tableau est atypique d’autres examens sont utiles : - L’arthroscanner (ou l’IRM pour certains) : l’avantage de ces examens est de mettre en évidence la poche de décollement antérieure capsulo-ligamentaire et/ou la lésion du bourrelet ( lésion de Bankart).
Cette lésion permet à la tête de basculer vers l’avant lors des accidents d’instabilité. - Enfin, l’arthroscanner est utile enfin pour éliminer une rupture de coiffe après 40 ans.
Quel est le traitement possible ?
Le traitement de l’instabilité avérée est essentiellement chirurgical.
L’intervention se déroule lors de 1 à 3 jours d’hospitalisation en fonction des techniques :
1 – la chirurgie conventionnelle : 2 grandes familles d’interventions sont possibles :
- Les techniques de retentes capsuloligamentaires antéro inférieures (la plus connue étant l’intervention de Bankart).
Le principe est de retendre et de réinsérer sur la glêne, le complexe “bourrelet / ligament / capsule“ qui est décollé et étiré.
- Les techniques de butée (la plus connue étant l’intervention de Latarjet)
Le principe est de visser une butée osseuse prélever sur une partie d’omoplate appelé coracoïde. Cette butée empêche alors la luxation par butoir mécanique et mise en tension du muscle sous scapulaire.
2 – L’arthroscopie : elle permet depuis quelques années de traiter l’instabilité en réalisant des interventions de Bankart, arthroscopiques
Toutes ces techniques doivent faire partie de l’arsenal thérapeutique du chirurgien de l’épaule et le choix se fait en fonction du type d’instabilité. De façon schématique, les butées sont plutôt réservées aux patients jeunes, sportifs ayant de nombreux et vrais épisodes de luxations et ce d’autant plus qu’il existe une fracture de la glène, un éculement ou une encoche importante. L’intervention de Bankart est réalisée de préférence par arthroscopie et est réservée plutôt aux épaules instables et douloureuses, chez des patients peu sportifs, de sexe féminin (cicatrices minimes).
Quelles sont les suites opératoires ?
Les pansements sont faits tous les 2 jours pendant 15 jours. Le bras est immobilisé dans un gilet en position “coude au corps“ pour 3 semaines puis en simple écharpe pour 3 semaines supplémentaires
Une rééducation douce est débutée à la 3ème semaine en évitant la rotation externe, elle est plus complète après 6 semaines.
Les sports à risques sont repris vers le 4ème mois.
Quelles sont les complications possibles ?
1 – Les complications spécifiques :
- la récidive : le taux de récidives varie entre 2 et 4 % en fonction des études pour les butés ou les retentes capsuloligamentaires conventionnelles, le taux est légèrement supérieur pour les techniques arthroscopiques (3 à 6 %).
- La raideur : la rotation externe peut être réduite d’une dizaine de degrés, la rééducation est alors très utile.
- La fracture de vis est possible notamment après un traumatisme.
2 – Les complications non spécifiques
- l’infection post opératoire se maîtrise assez aisément lorsque le diagnostic est précoce (douleurs pulsatiles, gonflement et rougeur importante). Une réintervention est toujours possible. Les infections après arthroscopie sont rarissimes.
- Un hématome est possible.
- Une capsulite rétractile ou « épaule gelée » est très rare mais possible. Il s’agit d’une raideur d’épaule qui peut s’étendre sur plusieurs mois.
- L’algodystrophie est une réaction imprévisible de nature inconnue et qui après une phase inflammatoire entraine des phénomènes d’enraidissement proches de la capsulite rétractile.