Présentation de l’Institut Français de Chirurgie de la Main spécialisé dans les pathologies du poignet – IFCM
Qu’est ce qu’une pseudarthrose du scaphoïde carpien ?
Le poignet est constitué de huit osselets regroupés en deux rangées distinctes formant le carpe.
La première rangée des os du carpe est articulée avec le radius et le cubitus en haut et la deuxième rangée des os du carpe est articulée en bas avec les métacarpiens.
Ces deux rangées sont mobiles l’une avec l’autre et permettent au poignet de se positionner dans l’espace. La première rangée est constituée de trois osselets dont le scaphoïde est le plus externe (du côté du pouce). Il est un des plus grands des os du carpe (poignet) et a pour particularité d’avoir une grande mobilité et d’être très vulnérable lors des traumatismes du poignet ; le scaphoïde est l’os du carpe le plus souvent fracturé (70% des cas). (Voir le schéma ci-dessous) En raison d’une situation et d’une vascularisation particulière, il a une tendance à consolider difficilement. Passé le délai de 6 mois, une fracture qui n’a pas consolidé est appelée « pseudarthrose ». Une pseudarthrose signifie que quelque soit la durée éventuelle d’une nouvelle immobilisation la consolidation ne peut plus progresser : le mécanisme physiologique de consolidation osseuse est « bloqué »
Quels sont les signes cliniques d’une pseudarthrose du scaphoïde ?
La pseudarthrose du scaphoïde peut passer inaperçue pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Ce n’est parfois qu’après un nouveau traumatisme, souvent bénin, que la pseudarthrose devient douloureuse et donc fonctionnellement gênante.
Les douleurs prédominent sur le versant externe du poignet et à la base du pouce. L’extension du poignet et les mouvements en appui sont douloureux. Le poignet peut gonfler épisodiquement. Avec les mois et les années, le poignet va perdre progressivement en force et en amplitudes articulaires. Les douleurs se majorent et deviennent permanentes et handicapantes.
C’est l’apparition de l’arthrose (usure du cartilage) qui marque le terme de l’évolution de cette pathologie. L’arthrose post-traumatique du poignet après une fracture de scaphoïde non consolidée va évoluer en plusieurs stades : c’est le SNAC (scaphoid non union acute collapse) qui nécessite un traitement spécifique.
L’examen du poignet permet d’évoquer le diagnostic, sur les douleurs externes du poignet, la perte de mobilité et la diminution de la force de serrage. Plusieurs manœuvres test peuvent être utiles : douleur à la pression de la tabatière anatomique, douleur à la compression axiale de la première colonne par ex.
Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?
Le bilan radiologique comprend généralement des clichés radiographiques du poignet de face et de profil au minimum et des incidences spécifiques du scaphoïde (incidence de Schneck).
Le scanner permet une étude précise de la pseudarthrose et de la déformation du scaphoïde, alors que l’IRM permet d’évaluer la vascularisation de l’os, qui est parfois altérée par la fracture. L’arthroscanner permet, en plus de l’étude de l’os, d’évaluer la qualité des surfaces articulaires et des ligaments. En effet, c’est l’absence de lésion cartilagineuse qui autorise un geste chirurgical de réparation, alors qu’en cas d’arthrose, un geste « palliatif » doit être discuté. C’est l’élément clé de la proposition thérapeutique.
Quels sont les traitements possibles ?
1/ Un traitement conservateur est encore possible :
Le principe du traitement est de retirer la zone fibreuse de la pseudarthrose, puis d’apporter de l’os de bonne qualité prélevé au niveau du radius ou du bassin (crête iliaque) :
- intervention de Matti-Russe : la greffe est encastrée dans l’os pseudarthrosé comme un tenon et en général elle n’est pas fixée. (cf ci-dessous gauche)
- technique de Fisk : le chirurgien peut corriger la déformation de l’os pour lui redonner une forme normale et intercaler la greffe entre les deux extrémités fracturées.
L’os est stabilisé par du matériel, broches ou vis, matériel d’ostéosynthèse qui sera éventuellement retiré une fois l’os consolidé. - greffe vascularisée : lorsque l’os est de mauvaise qualité, il est nécessaire d’apporter un greffon lui-même vascularisé par une petite artère locorégionale. Il s’agit d’un véritable lambeau composite osseux qui apporte un volume osseux nécessaire à combler la perte de substance mais aussi la vascularisation nécessaire à la consolidation et à la revascularisation des extrémités hypovascularisées.
Plusieurs type de greffe ont été décrites : Zaidenberg, Kuhlmann etc,,, (cf ci-dessous droite)
On isole un fragment osseux avec son périoste et l’artère qui le pénétre et ce pédicule vasculaire, resté connecté avec l’axe vasculaire principal est mobilisé jusqu’au foyer de fracture ou le principe chirurgical rejoint la greffe simple, encastrement, fixation.
Intervention de Matti-Russe
Zaidenberg
2/ Le traitement conservateur est dépassé : l ‘arthrose est présente.
On est alors dans le cadre d’une intervention « de sauvetage » pour récupérer une « certaine » mobilité, enrayer le processus arthrosique et supprimer la douleur. En fonction du stade du SNAC, on proposera soit :
- une résection de la première rangée des os du carpe. Elle est possible dans le stade 2 max. Elle consiste a ôter scaphoïde, lunatum et triquterum et articuler le capitatum intact avec l’extrémité distale du radius.
- Arthrodèse partielle des os du carpe associée à une scaphoïdectomie. On ôte le scaphoïde malade et pour laisser les autres os « cohérents » on les fixe ensemble dans le but de les fusionner en utilisant un matériel spécifique. Vissage, agrafe ou plaque d’ostéosynthèse (plaque xPode verrouillée).
Quelles sont les suites ?
Le délai de consolidation est d’environ 3 mois, avec des variations possibles en fonctions du type et de l’ancienneté de la pseudarthrose, de l’âge du patient et d’autres éléments, en particulier de la consommation tabagique. L’arrêt de l’intoxication tabagique est fondamental avant toute chirurgie osseuse et particulièrement le traitement chirurgical d’une pseudarthrose par greffe. (Le tabac diminue l’apport sanguin à l’os ce qui va dans le sens opposé du principe même du traitement évoqué ci-dessus).
Un suivi radiologique est fondamental avec des clichés réguliers pendant la période de suivi initial pour rechercher un démontage du matériel, vérifier la bonne consolidation osseuse et aussi à distance de l’opération pour apprécier le risque d’évolution lente vers l’arthrose.
Quand la greffe osseuse est consolidée, le matériel est éventuellement retiré.
La rééducation débute après la période d’immobilisation. La rééducation doit restaurer les amplitudes articulaires et le renforcement de la force de serrage secondairement. La reprise de l’activité sportive n’est possible qu’au delà du 6e mois.
Quels sont les risques et les complications possibles ?
Chaque indication opératoire est posée avec soin et les techniques opératoires sont bien codifiées ; malgré tout, ces interventions comportent certains aléas ou risques évolutifs qui leur sont propres. Les complications de ces traitements peuvent être classées selon la spécificité du geste chirurgical.
La législation actuelle nous oblige à vous informer des complications possibles liées à l’acte chirurgical qui est subi : cette liste n’est pas exhaustive mais elle contient les principales complications rencontrées dans la littérature et dans l’expérience de chaque chirurgien. Certaines de ces complications justifieront d’un traitement spécifique et/ou d’une ré-intervention dans un délai variable, et certaines peuvent laisser des séquelles plus ou moins invalidantes.
Complications génériques liées à tout acte chirurgical.
- Infection. Elle peut survenir plus ou moins précocement. Elle justifiera un traitement local et/ou général voire une ré-intervention en fonction de son importance.
- Problème de cicatrisation. Il peut se manifester par un œdème, une désunion plus ou moins importante quelques fois liée à un hématome. Il peut surtout se manifester plus tardivement par des douleurs et une raideur de la cicatrice. Chaque manifestation justifiera d’un traitement adapté.
- Complications générales. Elles peuvent se rencontrer après toute intervention chirurgicale quelque soit le type d’anesthésie utilisé : l’énumération des problèmes qui peuvent survenir est difficile à résumer mais il faut insister pour que vous preniez contact avec notre clinique ou avec votre médecin traitant en cas d’inquiétude.
- L’algodystrophie. Cette complication peut survenir au décours de toute intervention chirurgicale ou au décours de tout traumatisme : l’importance du geste chirurgical ou du traumatisme n’entrent pas en ligne de compte.
Complications spécifiques :
La principale complication (8%) est l’absence de consolidation osseuse et la reprise de la pseudarthrose. C’est un problème majeur. Si on a réalisé une greffe simple on pourra alors tenter une greffe vascularisée, au delà on devra passer à une arthrodèse.
Les autres complications sont :
– La rupture du matériel d’ostéosynthèse.
– L’enraidissement du poignet et des doigts est une complication possible, qui sera traitée par la rééducation et un appareillage.
– La persistance d’une diminution majeure de la force, en deçà des valeurs attendues.
– Les lésions liées à l’abord, plaie vasculaire, plaie nerveuse, plaie tendineuse etc. ; ce sont des complications exceptionnelles mais qui existent dans la littérature.