Présentation de l’Institut Français de Chirurgie de la Main spécialisé dans les pathologies du poignet – IFCM
Qu’est ce que la maladie de Kienbock ?
Cette maladie se définit comme une nécrose aseptique d’un des os du carpe : le carpe (ou le poignet) est constitué par un assemblage très précis de huit osselets regroupés en deux rangées sous les deux os de l’avant bras :
- la première rangée : avec le scaphoïde, le semi-lunaire, le pyramidal qui forment une chaine unie par des ligaments puissants (le pisiforme est déjeté en avant du pyramidal) qui autorisent des mouvements de torsion,
- la deuxième rangée : formée du trapèze, trapezoïde, grand os et os crochu ; ils forment un bloc rigide interposé entre la première rangée et la base des métacarpiens.
Ces différents osselets -comme tout tissu dans l’organisme- sont des éléments vivants et nécessitent donc un apport sanguin nutritif qui est fourni par de très petites artères (artérioles) qui ont été bien étudiées par des dissections anatomiques et des injections radiologiques : en cas d’interruption de l’apport sanguin à l’un des ces os, il se produit une souffrance de l’os et une » mort « du tissu osseux : la nécrose. A l’état physiologique les tissus -et l’os également – sont en permanence le siège d’une destruction par un vieillissement des cellules, associée à une construction tissulaire par l’apport de cellules jeunes (ces cellules sont apportées par le sang) ; en cas de raréfaction de l’apport sanguin un déséquilibre se produit et la destruction est plus importante que la reconstruction. Apparaît ainsi une nécrose.
Au niveau du carpe, deux osselets sont le plus souvent intéressés par ces processus de nécrose :
- le semi-lunaire : de loin le plus souvent ; la nécrose du semi-lunaire a été décrite par KIENBOCK en 1910,
- le scaphoïde : beaucoup plus rare a été décrite par PREISER en 1910,
La physiopathologie de la maladie de KIENBOCK n’est pas certaine encore à ce jour : il semble qu’un facteur d’hyperpression sur l’os associé à un facteur d’appauvrissement vasculaire soient en jeu. Les modifications radiologiques rencontrées chez ces patients sur le radius et du cubitus semblent plaider en faveur d’un processus d’hyperpression, mais certains patients ont une radius et un cubitus de forme et longueur normales avec un authentique Kienböck. Un facteur traumatique est en tout cas exclu.
Quels sont les signes cliniques ?
Le diagnostic de maladie de Kienböck ne peut être posé que sur des signes radiologiques mais ces radios doivent être faites face à des signes cliniques qui sont peu spécifiques mais qui doivent faire suspecter le diagnostic : il s’agit souvent d’un adulte jeune qui présente des douleurs au poignet associées ou non à une certaine raideur et surtout une perte de force de serrage avec une douleur localisée sur le semi-lunaire.
Quels sont les examens complémentaires utiles ?
Les radiographies standards du poignet de face et de profil peuvent être normales à un stade de début : il faut en cas de doute diagnostique, pratiquer une IRM ou un scanner ; ces examens vont montrer une différence de contraste ou des altérations osseuses en faveur d’une nécrose débutante sur le semi-lunaire.
La maladie de Kienböck est définie par ses stades radiologiques : du fait de la nécrose osseuse, se produit une modification de la structure osseuse donc des modifications des images radiologiques de cet os : elle évoluent en quatre stades :
- Stade I : images radiologique standard » normale « . Les autres exploration radiologiques ; IRM ou scanner montrent des signes pathologiques témoins de la maladie en évolution. Une scintigraphie osseuse peut également montrer des signes anormaux.
- Stade II : modification de la forme de l’os (partie supérieure) et modification des contrastes dans l’épaisseur de l’os,
- Stade III : fragmentation de l’os qui en règle générale se » brise en deux « ,
- Stade IV : affaissement de l’os associé à des signes d’arthrose dans le poignet.
Il faut insister sur deux anomalies radiologiques qui sont souvent présentes chez les patients souffrant de cette pathologie :- une différence de longueur entre le radius et le cubitus au niveau du poignet : le cubitus est un » peu court » par rapport au radius,
- sur le radius il peut exister sur le cliché de face, une pente radiale un peu exagérée.
En tout cas les différences de longueur ou une mauvaise pente radiale, ou une perte de hauteur du semi-lunaire ( secondaire à son affaissement) ont pour conséquence une augmentation de la pression sur le semi-lunaire : ceci déterminera le choix thérapeutique.
Quels sont les traitements possibles ?
Le traitement de la maladie de Kienböck est chirurgical : en l’absence d’un traitement chirurgical, l’évolution se fait vers l’aggravation des signes cliniques et radiologiques sans que l’on puisse donner un délai dans le passage des différents stades.
Plusieurs options se rencontrent selon que le semi-lunaire sera conservé ou non : la décision de la conservation du semi-lunaire dépend de l’aspect radiologique de cet osselet, du stade évolutif de la maladie, de l’anatomie locale et des habitudes du chirurgien :
A/ – techniques conservant le semi-lunaire :
Le principe thérapeutique est basé sur la nécessité de réduire la pression qui s’exerce sur le semi-lunaire en augmentant la place de celui-ci dans le carpe : en cas de différence de longueur des deux os de l’avant bras on pratiquera le plus souvent l’ égalisation de la longueur des deux os du poignet : l’intervention la plus fréquemment effectuée est la diminution de longueur du radius pour l’égaliser à celle du cubitus ; cette intervention (ou ostéotomie du radius) nécessite de couper la partie basse du radius, d’en retirer une » rondelle » et de synthéser ce radius en règle par une plaque. L’intervention d’allongement du cubitus est quasiment abandonnée.
- en cas longueur équivalente des deux os de l’avant bras ; plusieurs intervention peuvent être proposées pour diminuer la pression exercée sur le semi-lunaire :
- diminution de la hauteur du grand-os : cela » ouvre » la loge du semi-lunaire par le bas,
- arthrodèse de la colonne externe : par une arthodèse partielle entre le scaphoïde et le couple trapèze trapézoide, ou entre le scaphoide et le grand-os : cet étai va augmenter la hauteur du carpe sous le hauvent du radius et par conséquent la pression exercée sur le semi-lunaire diminuera.
- modification de l’inclinaison du radius ; soit verticalisation soit horizontalisation : ces deux techniques peuvent modifier de façon significative la pression intra carpienne.
- revascularisation du semi-lunaire : les techniques micro-chirurgicales permettent d’implanter un pédicule vasculaire artério-veineux dans le semi-lunaire dans le but d’améliorer l’apport sanguin à cet os et par conséquence de relancer la reconstruction osseuse.
B/ techniques excisant le semi-lunaire : elles sont indiquées surtout quand l’architecture du semi-lunaire est trop altérée :
- prothèse du semi lunaire : en silicone. Elle est rarement proposée isolément car ces prothèses supportent mal les excès de pression : il faut les associer à une autre intervention qui diminue la pression dans la loge du semi-lunaire.
- remplacement du semi-lunaire par le pisiforme : la similitude de taille des deux osselets à conduit à cette intervention : elle est techniquement difficile
- résection de la première rangée des os du carpe : c’est une intervention classique, qui consiste à exciser les trois osselets de la première rangée des os du carpe pour aboutir à un articulation dont la deuxième rangée s’articule avec le radius. Cette intervention conserve un poignet stable, mobile et fort
- arthrodèse du poignet : elle est abandonnée en première intention car trop invalidante.
C/ techniques » négligeant » le semi-lunaire : elles ne sont pas dénuées d’intérêt :
dénervation du carpe ; par diverses incisions on sectionne tous les petits rameaux nerveux donnant la sensibilité à l’articulation ; la sensibilité des doigts n’est pas altérée. Cette technique ne donne pas des résultats constants.
évidemment de la partie distale du radius : la plus récemment proposée ; elle consiste à vider la partie distale du radius de son os spongieux ; la douleur et l’aspect du semi-lunaire sont modifiées en post opératoire.
Le choix de la technique chirurgicale est le problème principal de cette pathologie; ce choix dépend :
- du stade de la maladie,
- de l’existence ou non d’une inégalité de longueur des deux os de l’avant bras, d’un pente radiale pathologique,
- de l’âge des patients, de leur métier,
- de l’existence ou non d’une arthrose du poignet associée.
Ces interventions sont plus difficiles techniquement mais elle ont donné de bons résultats.
Quel est le pronostic de cette maladie ?
Il est difficile de tout envisager concernant cette pathologie : elle est rare et doit rester une » affaire de spécialiste « . Le diagnostic en est difficile et le traitement également : chaque cas est particulier et mérite une réflexion prolongée avant de décider d’un traitement précis : il n’y a pas de traitement univoque. Chaque intervention a ses avantages et ses inconvénients (qui doivent être connus par le chirurgien), des contraintes post opératoires obligatoires qui seront exposés et débattues clairement avec chaque patient.