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Paralysie du nerf thoracique ou nerf de Charles BELL

Présentation de l’Institut Français de Chirurgie de la Main spécialisé dans les pathologies de l’épaule et des nerfs – IFCE

 

Qu’est ce qu’une paralysie du grand dentelé?

L’épaule permet à la main d’atteindre ses objectifs. Le muscle du grand dentelé ou serratus antérieur est innervé par nerf du grand dentelé encore appelé nerf respiratoire externe de Charles Bell ou nerf thoracique long. Le nerf du grand dentelé naît des branches antérieures des racines C5 C6 et C7 dans plus de 2/3 des cas. Les branches de C5 et C6 passent à travers le muscle scalène moyen puis s’anastomosent à la branche de C7 qui possède un trajet entre le scalène moyen et le scalène antérieur. Cette fusion s’effectue en arrière du paquet vasculo-nerveux axillaire en regard du premier ou deuxième espace intercostal. Le tronc du nerf descend alors obliquement en arrière du plexus brachial à la partie antérolatérale du thorax au contact des premières digitations du muscle auquel il donnera des branches étagées. Le tronc du nerf se termine en donnant ses dernières branches aux dernières digitations du muscle grand dentelé

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Ce muscle a un rôle fondamental dans la dynamique d’abduction et d’élévation de l’épaule. Ainsi il stabilise la scapula sur la cage thoracique lors de l’élévation en association avec le trapèze il entraîne un mouvement de sonnette vers le haut de la scapula et donc une bascule de la cavité glénoïde vers le haut permettant alors l’abduction et l’élévation de l’épaule au delà de 90°. Les causes de lésion du tronc nerveux sont multiples. L’anatomie de ce nerf sa longueur sa position superficielle et ses rapports peuvent expliquer l’atteinte traumatique qui est l’étiologie la plus fréquemment retrouvée :

  • À côté des atteintes iatrogènes rares, l’étiologie traumatique est la plus fréquente et relève d’un mécanisme d’étirement du nerf au niveau de zones de fixité : partie inférieure de la scapula en regard des dernières branches du nerf et en regard des deux premières. Ces lésions d’étirement peuvent se faire sur un mode aigu où l’on inclura certaines lésions ou chronique. Elles sont la conséquence d’une surcharge du membre supérieur : taille de haies ou de buissons, déménagement, sport pratiqué de façon anormalement intensive comme la natation.
  • À côté de ces étiologies traumatiques d’autres étiologies sont beaucoup plus rarement retrouvées : cause infectieuse toxique allergique.
  • D’autres étiologies médicales existent mais elles n’atteignent pas spécifiquement le nerf du grand dentelé mais plutôt la fonction musculaire globale de l’épaule. Nous citerons par exemple la dystrophie musculaire fascioscapulohumérale ou le syndrome de Parsonage et S
  • Enfin parfois aucune cause n’est retrouvée. La paralysie a frigore du grand dentelé décrite pour la première fois par Velpeau en 1837 survient de façon inopinée

Quels sont les signes cliniques de cette paralysie de l’épaule ?

L’examen clinique commun devant une paralysie de l’épaule doit comporter un interrogatoire minutieux : profession, activités de loisirs, sports, latéralités. Les circonstances de survenue sont essentielles au diagnostic et au traitement : accident de la voie publique ou du travail dans les suites d’une intervention chirurgicale apparition spontanée progressive ou brutale de façon douloureuse ou indolore avec ou sans signes généraux d’accompagnement.

L’examen neurologique étudiera la motricité muscle par muscle depuis l’angulaire le rhomboïde le grand dentelé le trapèze et ses différents chefs le sterno-cléido-mastoïdien le grand pectoral le deltoïde le grand dorsal le grand rond le sous-scapulaire les sus- et sous-épineux le petit rond. On étudiera aussi la sensibilité du moignon de l’épaule ainsi que bien entendu l’ensemble du membre supérieur.

On cotera les mobilités articulaires. On regarde le déplacement de l’omoplate actif et passif comparativement à l’autre côté. Existe-t-il une scapula alata ou une déformation visible une disparition du relief du trapèze ?

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La paralysie du muscle du grand dentelé consécutive à l’atteinte du nerf long thoracique entraîne une impossibilité d’élévation et d’abduction de l’épaule au-dessus de 90° et un décollement du bord médial et de la pointe de la scapula : scapula alata ou winging scapula des Anglo-Saxons bien que ce dernier terme ne soit pas spécifique de la paralysie du grand dentelé et puisse parfois prêter à confusion. Il s’agit d’un aspect très particulier avec saillie postérieure de l’omoplate donnant cet aspect en aile très caractéristique

On rencontre cette paralysie soit dans le cadre de la paralysie du grand dentelé a frigore et elle est alors isolée, soit dans le cadre de la myopathie atrophique progressive de Landouzy et Déjerine ou «fascioscapulo-humeral dystrophy » des Anglo-Saxons. Elle s’accompagne de douleur et est marquée par une faiblesse du membre supérieur. Progressivement la douleur s’atténue en quelques jours laissant place à la paralysie faite d’une difficulté à soulever le bras à l’horizontale et d’un aspect particulier en aile de l’omoplate d’où son nom. La gêne fonctionnelle est variable selon l’importance de l’atteinte du grand dentelé et selon le respect ou non des muscles adjacents. Elle entraîne difficulté à l’abduction et douleurs. Ce n’est pas le bras qui s’élève mais l’omoplate qui bascule. La gêne esthétique est manifeste et très mal supportée surtout par les femmes. L’évolution est très généralement résolutive en quelques mois.

L’examen vise à tester le grand dentelé. Ce que l’on fait en demandant au sujet de pousser sur un mur en antépulsion de 90°. L’omoplate décolle de façon évidente. Il en est de même lorsqu’il élève le bras en abduction.  

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?

Cet examen clinique sera généralement complété par des examens complémentaires : EMG ou électromyogramme réalisé par un électrologiste entraîné à l’étude des paralysies périphériques et qui saura bien comment reperer les digitations costales du grand dentelé.

Quelles sont les possibilités de traitement ?

Le traitement initial doit être essentiellement une surveillance médicale associant rééducation suivi clinique et électromyographique.

Si la paralysie ne régresse pas après le 9e mois on sait statistiquement qu’il est peu probable que la guérison survienne spontanément. L’indication de stabilisation statique de la scapula est posée s’il existe une amélioration de la fonction et de la mobilité de l’épaule en abduction ou antépulsion lorsque l’on stabilise manuellement la scapula contre le thorax (manoeuvre d’Horwitz).

Plusieurs types de traitement chirurgical ont été proposés :

la neurolyse ou liberation chirurgicale : le problème est simple et complexe à la fois. Où se trouve le siège de la compression. Vraisemblablement très haut, soit au niveau des arcades d’insertion du scalène moyen que les fibres d’origine de C4 et C5 traversent pour former le nerf, soit sur la deuxième côte comme le pensait Tavernier. Le nerf est là tendu comme sur un chevalet.

La neurotisation directe par les nerfs intercostaux a été décrite. Elle a l’avantage d’offrir un court trajet avec l’effecteur et donc un résultat rapide. Peu de séries ont été jusqu à aujourd’hui publiées.

La plupart des séries publiées concerne deux grands types de traitement :

  • La stabilisation statique de la scapula :
    –         par arthrodese scapulo-thoracique proposée par Bunch puis Copeland et Howard.
    Le patient est installé en décubitus ventral le membre supérieur concerné libre pouvant être placé le long du corps ou en abduction maximale. Le champ opératoire comprend tout le membre supérieur, la région scapulaire et para scapulaire jusqu’à la ligne des épineuses, ainsi que la crête iliaque postérieure.L’incision cutanée est faite le long du bord médial de la scapula. Le trapèze était désinséré ainsi que les rhomboïdes permettant de libérer le bord médial de la scapula. La position de la scapula lors de l’arthrodèse est celle obtenue en portant le bras en abduction à 120°. Les côtes à fixer (le plus souvent les 4e 5e 6e et 7e côtes) sont préparées pour permettre leur cerclage avec la scapula au fils Mersuture n° 2. Avant serrage des greffons cortico-spongieux et spongieux pris aux dépens de la crête iliaque postérieure sont interposés entre les côtes et la scapula dont l’os a été avivé. Les rhomboïdes et le trapèze sont réinsérés à l’aide de points trans-osseux et l’incision refermée. Le patient est ensuite installé dans un appareillage en résine confectionné en pré opératoire, maintenant le coude au corps à 90,° et en rotation neutre de l’épaule. Le coude est libéré à 15 jours et cette immobilisation est à garder pendant trois mois.
    –         Scapulopexie : l’intervention est pratiquement identique ; seul le moyen de fixation de la scapula différe. Celle-ci est en fait encastrée entre deux fragments costaux de trois côtes préalablement sectionnées. La partie la plus postérieure de ces trois côtes est alors soulevée vers le haut pour permettre d’intercaler la scapula par son bord médial et de la caler lorsque la traction sur la partie postérieure des trois côtes est relâchée. L’immobilisation identique à celle présentée précédemment est plus courte : quatre semaines en moyenne.
    –         La fixation entre la scapula et les côtes peut se faire à l’aide de cerclage au fils métalliques (Bunch et Siegel, Sedel) ou d’un vissage scapula-greffe cortico-spongieuse-côtes (Copeland et Howard), ou bien à l’aide d’une plaque vissée sur une côte après transfixion de la scapula par la côte (Letournel) ou d’une plaque à compression dynamique (Hawkins). D’autres auteurs ont pu proposé de fixer la scapula aux côtes à l’aide soit d’un ruban synthétique en Vycril, soit de bandelettes de fascia lata dans une position prédéterminée sans aucune greffe. Le problème est la fixation et la solidité du montage pour obtenir la consolidation imposant une immobilisation prolongée.
    –        La greffe osseuse est une autogreffe cortico-spongieuse dans la plupart des cas.
  • La stabilisation dynamique par transfert musculaire :
    –         Plusieurs types de transferts ont été décrits : transfert du rhomboïde (Herzmark), de l’angulaire et du petit pectoral (Chaves & Maquet, Rapp).
    –         Le transfert le plus réalisé est le transfert du muscle grand pectoral de sa partie inférieure (Perlmutter et Leffert) ou uniquement de sa portion sternale (Connor , Warner ) Ce transfert doit cependant être associé à une greffe qui va permettre d’allonger le transfert. Il peut s’agir d’une greffe de fascia lata tubulisé ou une greffe tendineuse à partir du demi tendineux et du droit interne.La plupart des auteurs insistent sur la qualité de ce greffon et sur son positionnement qui conditionnent fortement le résultat fonctionnel.
    –         Les principaux avantages de ces transferts résident dans le maintien d’une bonne mobilité de l’épaule un résultat fonctionnel satisfaisant et une immobilisation postopératoire plus courte. Le principal inconvénient semble être la perte de la force musculaire : chez les travailleurs lourds et chez les sportifs le transfert est trop sollicité et pour ces auteurs ne semble pas être une bonne indication. Pour ces mêmes auteurs l’échec d’un transfert doit conduire à réaliser une arthrodèse scapulothoracique.  

Quel est le pronostic ?

Tous nos patients atteints d’une paralysie isolée du nerf du grand dentelé sont traités initialement par rééducation (exceptées les atteintes iatrogènes où la section du nerf est certaine ; dans ce cas les patients sont opérés rapidement). En fonction des résultats un traitement chirurgical leur sera ou non proposé.

  • On constate dans la revue de la littérature environ 30 % de mauvais résultats pour le traitement non chirurgical.
  • Tous ces auteurs insistent sur le fait que le but de l’arthrodèse n’est pas de restituer une mobilité complète mais de redonner une bonne force musculaire aux patients et de les rendre indolores. Le réglage de la position de la scapula permet théoriquement une antépulsion et une abduction maximale de 120°.
  • Compte tenu de l’ensemble de ces possibilités thérapeutiques une paralysie de l’épaule ne doit plus entraîner d’immobilité importante si elle a été correctement prise en charge.

Quels sont les risques ?

Il faut distinguer les risques génériques des risques spécifiques à cette chirurgie nerveuse :

  • les risques génériques sont l’infection du site opératoire, l’hématome, l’algodystrophie du membre supérieur.
  • Les risques spécifiques sont liés à la dissection micro-chirurgicale du nerf avec un risque de plaie vasculaire ou nerveuse, voire un risque de lésion de la plèvre, une aggravation de la symptomatologie douloureuse.
  • Après les arthrodèses il existe quelques mauvais résultats dus à des pseudarthrodèses ou à des fractures de fatigue de côte ou de scapula. Ces mauvais résultats se manifestent par des douleurs gênant la mobilité de l’épaule .

 

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