Présentation de l’Institut Français de Chirurgie de la Main spécialisé dans les pathologies de la main – IFCM
Qu’est ce que l’arthrose digitale interphalangienne distale ?
Une articulation digitale est composée de deux versants phalangiens :
- l’IPP ou interphalangienne proximale entre la première phalange ( la plus proche de la paume) et la deuxième phalange,
- l’IPD ou interphalangienne distale située entre la deuxième phalange et la troisième phalange ( celle qui porte l’ongle)
Chaque versant articulaire est composé d’un squelette osseux recouvert de cartilage. - Squelette osseux:
PI, PII, PIII ( de bas en haut). - Cartilage (en blanc
L’articulation est une entité qui est fermée : elle est entourée d’une capsule articulaire qui l’isole des tissus environnants tout en autorisant les mouvements. Cette capsule est doublée à sa face profonde d’un tissu appelé synoviale dont le rôle est anti-infectieux et surtout de produire un liquide dans ces espace fermé qui lubrifie et nourrit les cartilages articulaires.
Le cartilage articulaire a deux fonctions principales :
- assurer une couverture harmonieuse des extrémités osseuses et une complémentarité quasi parfaite pour permettre un glissement des deux surfaces.
- il permet une distribution des forces subies par l’articulation lors des mouvements.
L’altération du cartilage définit l’arthrose : c’est un « vieillissement » anormal du recouvrement cartilagineux qui définit l’arthrose dite essentielle (sans cause reconnue).
Il faut la différentier :
- des arthrites qui sont une dégénérescence cartilagineuse secondaire à un processus inflammatoire ( suffixe …ite) lors de maladies telles une polyarthrite rhumatoïde, les rhumatismes psoriasiques etc.. On peut en rapprocher les destructions des cartilages secondaires à une infection de l’articulation : ces arthrites rhumatismales et septiques posent des problèmes particuliers.
- des altérations cartilagineuses secondaires à un traumatisme articulaire qui a modifié le contour articulaire : il s’agit alors d’une arthrose post traumatique.
Le développement de l’arthrose fait intervenir l’os, le cartilage, les ligaments , la synoviale et les éléments musculo-tendineux qui mobilisent l’articulation ; tous ces élément agissent probablement en conjonction sans que l’on puisse déterminer quel a été le premier élément en cause. Des études expérimentales ont pu démontrer le rôle péjoratif de la surcharge et du déséquilibre des forces sur l’articulation, mais d’autres auteurs pensent que cette dégénérescence du cartilage est la conséquence d’un vieillissement de la couverture cartilagineuse sur lequel agissent probablement (en l’amplifiant) des facteurs héréditaires, métaboliques, biomécaniques.
Les patientes (car cette arthrose touche principalement les femmes) ont souvent dans leur famille une ou plusieurs personne atteintes de la même maladie.
Quels sont les signes cliniques de l’arthrose digitale ?
L’arthrose articulaire a une apparition insidieuse et peut n’atteindre qu’une articulation ou plusieurs à la fois. Certains patients qui ont une atteinte isolée ou multiple des inter-phalangiennes distales ( c’est le cas le plus fréquent) et d’autres ne sont atteints que sur une ou plusieurs inter-phalangiennes proximales.
Cette arthrose se manifeste par plusieurs signes qui peuvent être associés :
- un gonflement de l’articulation (qui correspond à un gonflement de la synoviale articulaire) le plus souvent sur les deux côtés de l’articulation: il s’accompagne de douleurs, plus ou moins violentes. Ces douleurs peuvent évoluer sur un mode chronique peu intense et il n’est pas rare qu’il survienne des « poussées » douloureuses plus violentes quelques fois dans la suite d’ efforts anormaux. Il est important de préciser que l’arthrose peut être douloureuse par « crises » et remarquablement indolore entre les crises même en présence d’une destruction articulaire radiologique importante ; ceci se définit comme une absence de parallélisme radio clinique. La déformation articulaire peut prendre une autre forme sous l’aspect d’un kyste dorsal ou dorso-latéral : ce kyste correspond à une hernie de la synoviale articulaire qui se fait au travers du tendon extenseur sous la poussée de la pression intra-articulaire due à l’excès de liquide synovial témoin d’une souffrance cartilagineuse. Ce kyste est souvent unilatéral et plus mou que les nodules de Bouchard que nous verrons plus loin. Ces kystes siègent le plus souvent sur l’IPP.
- une déformation latérale et dorsale de l’articulation : il s’agit de formations arrondies de volume souvent peu important et dures, souvent symétriques ; ces nodules ne sont pas toujours douloureux mais souvent disgracieux . Ils peuvent être associés entre eux et toucher plusieurs doigts : ce sont les nodules de Bouchard sur l’IPP (cf ci-joint)
Nodules de Bouchard sur le médius
Nodules d’Heberden sur l’index et le médius.
Désaxation du médius.
- une désaxation de l’articulation qui est le plus souvent déviée latéralement : cette désaxation est plus ou moins importante et elle traduit un effondrement asymétrique de la structure anatomique de l’articulation. Elle est toujours mal acceptée par les patients.
- une diminution de la mobilité ; elle est quasiment inéluctable car l’articulation n’a plus sa structure anatomique normale : la perte de l’extension est plus fréquente et la perte de la flexion (fermeture) n’est souvent pas reconnue par le patient (on la quantifie lors de l’examen clinique).
Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?
Les modifications radiologiques sont communes à toutes les atteintes arthrosiques. Il s’agit :
- d’un pincement de l’interligne : la distance entre les reliefs osseux des deux phalanges intéressés diminue ; le croissant noir qui sépare les deux reliefs osseux (qui correspond à l’épaisseur des deux cartilages) est plus fin que sur une articulation normale.
- Une altération des contours osseux par de constructions latérales ou dorsales le plus souvent ; ces spicules osseuse surajoutées sont des ostéophytes : ils déforment le contour articulaire et sont responsables de la déformation clinique.
- Une perte de l’axe articulaire : il est nettement visible et s’accompagne toujours d’un effondrement asymétrique du contour articulaire.
Quels sont les traitements possibles ?
L’arthrose digitale peut donc prendre de multiples aspects cliniques depuis une simple raideur articulaire non douloureuse à une articulation déviée et fortement douloureuse et raide : le traitement n’est pas univoque et doit être adapté à chaque cas.
A – Le traitement médical.
Le traitement peut- être dans un premier temps médical et fait appel à divers protocoles :
- en cas de crise douloureuse : antalgiques et souvent anti-inflammatoires sont associés. Ils soulagent les douleurs dans la grande majorité des cas : en cas de douleur plus violente et invalidante ( ce qui est rare) le recours aux corticoïdes est quelques fois nécessaire, associé quelques fois à une immobilisation par une attelle de ou des articulations douloureuses). Quelques rhumatologues font appel à des infiltrations intra-articulaires.
- entre les crises : certains médecins ont recours aux protecteurs cartilagineux dont l’efficacité n’est pas totalement démontrée ou aux anti-inflammatoires en petites doses. Des attelles nocturnes sont souvent prescrites au patients : ces attelles ont un but antalgique mais en aucun cas elle ne peuvent éviter l’apparition éventuelle d’une déformation. L’injection intra-articulaire de « régénérant » cartilagineux qui est faite dans de grosses articulations n’est pas encore monnaie courante pour les petites articulations. Il est fort à parier que ces injections vont certainement se développer dans un avenir proche. Les résultats semblent encourageants concernant le genou, bien que le type de l’articulation et les contraintes qui s’y développent soient différents.
La durée de ce traitement médical est liée à l’évolution de la maladie : nombre de patients ne sont traités que lors de leurs crises puis restent sans traitement entre les poussées douloureuses qui peuvent être très espacées. Le traitement chirurgical ne sera envisagé que :
- face à l’échec du traitement médical, ou face à des douleurs persistantes voire permanentes,
- par le désir du patient qui ne peut accepter une déformation inesthétique, même indolore,
- par la nécessité de tenter de redonner une mobilité accrue à une articulation enraidie.
B – Le traitement chirurgical.
Il fait appel à des techniques diverses en fonction de la gêne.
L’articulation IPP est centrale et elle est considérée comme l’épicentre de la main : elle doit rester mobile et les options chirurgicale tendent vers cet objectif. Plusieurs cas de figures :
- En cas de nodules de Bouchard ou de kyste synovial (équivalent du kyste mucoïde distal) une simple exérèse peut être proposée : cette intervention est rapide, non suivie d’immobilisation et la récupération de la mobilité pré-opératoire est la règle.
- En cas de douleurs résistantes au traitement médical avec un articulation mobile et bien axée : on propose une intervention de dénervation articulaire : il s’agit de faire un abord chirurgical de cette articulation et de sectionner les rameaux nerveux à destinée articulaire. Ces rameaux véhiculant l’information douloureuse supprimés, les patients ressentent moins ou pas du tout la douleur. Il n’y a aucune conséquence sur la sensibilité du doigt. La mobilité de l’articulation est en règle conservée et les résultats de cette intervention ne sont pas constants : elle peut être efficace de façon plus ou moins spectaculaire, mais l’indolence obtenue peut s’estomper avec le recul.
- En cas de raideur plus ou moins douloureuse sur un doigt assez bien axé, la proposition thérapeutique est orientée vers un remplacement prothétique car cette articulation doit rester mobile. Le type de prothèse mise en place est une affaire personnelle, tant les modèles proposés sur le marché sont nombreux, et on peut classe ces prothèse selon leur principe :
- Les spacers : ou espaceurs, ils ne remplacent pas l’articulation à proprement parler, mais conservent un espace qui est comblé par une structure souple qui ressemble peu à une articulation (en règle le silicone) : ce sont les plus anciennes. Ces prothèses ont des avantages et des inconvénients qu’il serait trop long de discuter dans cet article : elles ont une durée de vie longue avec un risque de rupture (mais leur changement est facile), elles permettent une mobilité digitale non totale mais qui s’amenuise avec le temps du fait de la réaction osseuse autour de l’implant avec le recul. Il existe plusieurs types de spacers de dessin différent. Le choix de tel ou tel type dépend de l’opérateur
Prothèse sur l’IPP Type spacer ou espaceur. Matériau: silicone bio compatible Type « SUTTER » |
- Les prothèses de remplacement : ces prothèses (telle la prothèse de hanche ou du genou) ont en général une certaine ressemblance à une articulation et peuvent comporter une charnière ou simplement deux surfaces (comme une articulation naturelle) qui glissent l’une sur l’autre (prothèse à glissement). Elles peuvent être cimentées ou non cimentées dans les phalanges. Les matériaux dont sont faits les prothèses sont toujours testés pour être biocompatibles et les industriels qui les fabriquent sont tenus à beaucoup de rigueur. Les alliages chrome cobalt (cf ci-dessous) sont souvent utilisés et les dernières prothèses proposées sont fabriquées de matériaux recouverts pyrocarbone. Ces prothèses doivent être implantées avec soin et les patients doivent être suivis régulièrement pour contrôler la mobilité clinique et l’interface radiologique os-prothèse. Il n’y a pas de évolution type car trop de facteurs interviennent qui peuvent interférer dans l’évolution : il est la règle de demander au patient « d’économiser » sa main pour ne pas mettre en danger la longévité de la prothèse.
Le but commun à ces prothèses articulaires est de redonner un doigt non ou peu douloureux et qui a regagné une meilleure mobilité.
|
- L’arthrodèse qui est largement utilisé pour les articulations distales ( de même que pour le pouce) est très rarement proposée pour l’IPP : dans quelques cas particuliers elle sera faite mais restera une indication exceptionnelle : elle est quelques fois proposée d’emblée sur l’IPP du deuxième doigt.
Quelles sont les complications et les risques du traitement ?
Chaque indication opératoire est posée avec soin et les techniques opératoires sont bien codifiées ; malgré tout, ces interventions comportent certains aléas ou risques évolutifs qui leur sont propres. Les complications de ces traitements peuvent être classées selon la spécificité du geste chirurgical.
La législation actuelle nous oblige à vous informer des complications possibles liées à l’acte chirurgical qui est subi : cette liste n’est pas exhaustive mais elle contient les principales complications rencontrées dans la littérature et dans l’expérience de chaque chirurgien. Certaines de ces complication justifieront d’un traitement spécifique et/ou d’une ré-intervention dans un délai variable, et certaines peuvent laisser des séquelles plus ou moins invalidantes.
- Complications génériques liées à tout acte chirurgical.
A – Infection.
Elle peut survenir plus ou moins précocement. Elle justifiera un traitement local et/ou général voire une ré-intervention en fonction de son importance.
B – Problème de cicatrisation.
Il peut se manifester par un œdème, une désunion plus ou moins importante quelques fois lié à un hématome. Il peut surtout se manifester plus tardivement par des douleurs et une raideur de la cicatrice. Chaque manifestation justifiera d’un traitement adapté.
C – Complications générales.
Elles peuvent se rencontrer après toute intervention chirurgicale quelque soit le type d’anesthésie utilisé : l’énumération des problèmes qui peuvent survenir est difficile à résumer mais il faut insister pour que vous preniez contact avec notre clinique ou avec votre médecin traitant en cas d’inquiétude.
D – L’algodystrophie.
Cette complication peut survenir au décours de toute intervention chirurgicale ou au décours de tout traumatisme : l’importance du geste chirurgical ou du traumatisme n’entrent pas en ligne de compte. - Complications spécifiques :
A – L’arthrodèse : Ablation des nodules ou de kystes articulaires : l’ablation d’un kyste synovial au niveau d’une articulation peut se compliquer notamment d’une perte de mobilité plus ou moins importante même en dehors d’une algoneurodystrophie ou d’une récidive du kyste.
B – Complications spécifiques liées à l’implantation d’une prothèse articulaire.
- Raideur articulaire : la diminution de l’amplitude articulaire est fréquente en post opératoire et justifie de faire de la kinésithérapie pour diminuer l’importance de la perte de mobilité. Cette physiothérapie peut améliorer la mobilité mais une certaine perte d’amplitude peut rester à titre de séquelle. Les amplitudes articulaires peuvent évoluer avec le temps : ceci justifie une surveillance régulière.
- Perte de force avec la main : elle est quasi constante en post opératoire et cède avec le temps et la rééducation.
- Infection de la prothèse : elle est rare mais non exceptionnelle. Elle est quelques fois retardée ; elle se manifeste par des douleurs et un gêne et s’accompagne de modifications radiologiques. Elle nécessite une traitement spécifique : médical et/ou chirurgical.
- Rupture de la prothèse : elle peut survenir en l’absence de tout traumatisme et elle n’est quelques fois dépistée que par un contrôle radiologique systématique. Elle survient en règle plusieurs années après la mise en place et elle est surtout le fait des prothèses en silicone. Elle ne justifie pas toujours d’une réintervention. On en rapproche une désolidarisation des composants des prothèses à charnière.
- Luxation de la prothèse : elle est rare. Elle est quelques fois cliniquement patente et peut se produire dans les suites d’un traumatisme ou spontanément : une réintervention dont les modalité peuvent être variables est la règle.
- Réaction des tissus avoisinants à la prothèse : les tissus avoisinants peuvent réagir à la mise en place de ce « corps étranger » volumineux : bien que le prothèses soient bio compatibles la réaction avec les tissus avoisinants peut survenir (les causes de cette réaction ne sont pas toujours bien expliquées) :
– avec les prothèses métalliques : se produit une métallose
– avec les prothèses en silicone se produit une siliconite
le diagnostic de cette réaction se fera cliniquement et radiologiquement : une réintervention est la règle.